Le Grand-Duché de Luxembourg veut doter son système de santé de nouveaux outils

La Direction de la Santé du Grand-Duché de Luxembourg relève de l’autorité du ministre de la Santé. Elle est placée sous la responsabilité du directeur de la Santé, le Dr Jean-Claude Schmit, qui a bien voulu répondre à nos questions.

Le Dr Jean-Claude Schmit a pris ses fonctions de directeur de la Santé le 1er janvier 2016. Il a occupé le poste de directeur général du Luxembourg Institute of Health (LIH). Spécialiste en médecine interne et maladies infectieuses, le Dr Schmit possède une longue expérience clinique de plus de 25 ans, dont 19 ans dans le service des Maladies infectieuses et à la Travel Clinic du Centre Hospitalier de Luxembourg (CHL). Le Dr Jean-Claude Schmit est également connu comme chercheur dans le domaine de la virologie et de l’épidémiologie moléculaire.

Quelle relation l’administration a-t-elle avec les médecins? Avec le Collège médical au Luxembourg (Ndr - l’équivalent de l’Ordre des médecins en Belgique)?
La Direction de la Santé souhaite maintenir une relation de respect mutuel avec les médecins et autres professionnels de santé. En effet, une collaboration intense entre tous les acteurs est indispensable pour la réalisation d’un grand nombre de projets (p.ex. les divers plans nationaux) en santé publique.

La Direction de la Santé collabore activement avec le Collège médical sur plusieurs types de dossiers, notamment en ce qui concerne le respect de la déontologie et les sanctions disciplinaires pour les professions de médecin, médecin-dentiste, pharmacien et psychothérapeute. En effet, la plupart des médecins de la Direction de la santé ont la qualité d’officier de police judiciaire assermenté et peuvent ainsi conduire des enquêtes pénales, ce que le collège médical ne peut pas faire, même s’il possède la capacité de procéder à des sanctions disciplinaires.

Quelles sont les mesures structurelles que vous mettez en place pour réduire les coûts de soins de santé?
La gestion des coûts de soins de santé n’est pas directement une attribution de la Direction de la Santé, elle dépend plutôt du ministère de la Sécurité sociale et de la Caisse nationale de santé. Il est cependant évident que les mesures de santé publique décidées au niveau de la Direction de la Santé ont un impact direct ou indirect sur les coûts de santé. Par exemple, une politique de prévention des maladies et de promotion de la santé efficace a un effet sur la prévalence de certaines pathologies et donc sur les coûts nécessaires pour traiter les malades. Dans sa politique de prévention, la Direction de la santé met un accent sur la réduction des facteurs de risques majeurs comme par exemple le tabagisme, la consommation d’alcool, la sédentarité et les mauvaises habitudes alimentaires.

Avez-vous mis en place un plan pluriannuel pour le secteur hospitalier?
Le ministère de la Santé, avec l’apport technique de la Direction de la Santé, a publié en 2018 une nouvelle loi hospitalière qui réforme en profondeur le secteur hospitalier. Un des objectifs est de concentrer les compétences médicales spécialisées, tout en garantissant un accès équitable à toute la population. La loi vise également à établir des responsabilités claires entre les différents acteurs du système hospitalier, notamment les médecins, la direction et le conseil d’administration des hôpitaux et les pouvoirs publics.

Qu’avez-vous mis en place pour gérer la hausse des maladies chroniques?
En ce qui concerne les maladies chroniques, la Direction de la Santé travaille sur deux niveaux. D’abord, elle développe et met en place des plans nationaux pour les pathologies principales comme le cancer, ou les maladies cardio-neuro-vasculaires. Les plans s’intéressent aux diverses étapes d’une pathologie, allant de la prévention, au dépistage, au diagnostic, au traitement et à la réhabilitation. La conception des plans nationaux est faite en étroite concertation avec les acteurs du terrain, ce qui garantit par la suite une bonne acceptation des mesures décidées. Les plans sont également validés formellement par le conseil de gouvernement afin d’obtenir un soutien politique et budgétaire pour leur réalisation.

Le deuxième niveau de travail concerne les réseaux de compétence tels que définis dans la loi hospitalière. Il s’agit ici de mettre en place, pour un nombre choisi de pathologies, des itinéraires cliniques prédéfinis dans une optique de soins intégrés. Ici également, l’approche est «bottom-up», c’est-à-dire les projets de réseaux sont soumis par les acteurs du terrain, puis évalués par une commission interhospitalière et finalement approuvés par le ministre. Un premier projet de réseau dans le domaine des maladies immuno-rhumatismales vient d’être soumis.

Finalement, il faut signaler que nous avons déposé un projet de loi visant la création d’un observatoire national de la santé. Ceci nous permettra prochainement d’avoir des données beaucoup plus fiables sur certaines pathologies au Luxembourg, et cette information pourra guider nos priorités en santé publique, et par la suite évaluer les effets de nos programmes.

Avez-vous des spécificités en matière de santé ou de coûts de soins de santé qui n’existent pas dans vos pays limitrophes? Comment faites-vous avec toutes les personnes provenant d’autres pays et qui travaillent chez vous? Cela complexifie-t-il votre travail administratif?
Le Luxembourg a effectivement la particularité d’avoir une population assurée par le système national de sécurité sociale (environ 860.000 personnes) nettement supérieure à la population résidente (environ 600.000 habitants). Ceci est dû aux nombreux travailleurs frontaliers et leurs familles qui sont assurés d’office par le système luxembourgeois. Cette situation complique probablement le travail de la Caisse nationale de santé mais a finalement peu d’impact sur les activités d’une Direction de la Santé. Par exemple, nos programmes de prévention s’adressent tout aussi bien à la population résidente qu’aux frontaliers. Ceux-ci peuvent ainsi bénéficier d’un certain nombre d’actions de prévention (p.ex. le programme national de vaccination).

Avez-vous commencé à basculer dans la digitalisation des soins de santé? Par quoi avez-vous commencé?
La digitalisation devient indispensable dans le domaine de la santé. Ainsi, le ministère de la Sécurité sociale et le ministre de la Santé ont conjointement développé un projet de dossier de soins partagé qui est actuellement en fin de phase pilote et devra être déployé à toute la population prochainement.

Du côté de la Direction de la Santé, nous poursuivons un ambitieux projet de documentation hospitalière avec codage des pathologies et des actes pour tout patient hospitalisé. Ce projet impose de gros moyens pour l’analyse de données d’une grande complexité.

La Direction de la Santé a également digitalisé le recueil des données dans le cadre de la médecine scolaire. Ceci sera effectif à partir de la rentrée scolaire 2019.

Finalement, nous nous intéressons beaucoup à l’intelligence artificielle et ses applications en santé. Nous envisageons notamment d’utiliser prochainement un programme d’intelligence artificielle pour l’interprétation des mammographies dans le cadre de notre programme national de dépistage du cancer du sein.

Procédez-vous déjà à des remboursements d’applications d’e-santé?
Ceci est une question à poser à la Caisse nationale de santé. Mais à ma connaissance, un tel remboursement n’existe pas encore.

Article publié dans le journal Le Spécialiste #149

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